Achat d’un local professionnel : SCI ou détention directe ?

Acheter un local professionnel est un acte important pour tout chef d’entreprise. Lors de l’achat de ce bien immobilier professionnel, le dirigeant aura le choix entre 3 formules :

  1. l’achat du local professionnel en tant que particulier,
  2. l’achat de l’immeuble professionnel par une SCI,
  3. l’achat du bien professionnel avec son entreprise.

Ce choix stratégique doit être mûrement réfléchi par le dirigeant et son foyer. En effet, selon la formule juridique choisie, le propriétaire et chef d’entreprise s’engagera pour de nombreuses années avec des conséquences financières multiples et variables :

Analysons les trois possibilités d’acquisition pour un local professionnel (acquisition directe, par une SCI ou avec inscription à l’actif de l’entreprise) et détaillons, pour chacune :

  • Dans quels cas une solution est à conseiller ?
  • Quels sont les avantages de chaque formule ?
  • Quels sont leurs inconvénients ?

L’achat du local professionnel en son nom propre

Dans quels cas choisir l’acquisition d’un local professionnel à titre privé ?

Je conseille l’acquisition d’un local professionnel, en son nom personnel, dans les cas suivants :

  • le bien immobilier est de valeur modeste,
  • les résultats fonciers seront raisonnablement bénéficiaires ou très faiblement déficitaires,
  • l’exploitant sait qu’il conservera le local professionnel s’il vend son fonds de commerce.

Comment le propriétaire bailleur est-il imposé ?

Lorsque le dirigeant achète, à titre personnel, les murs qu’il utilise pour son activité professionnelle, il devra établir un bail. Ce bail régira la location entre le propriétaire et le locataire comme si il s’agissait de deux personnes différentes. Comme tout locataire, l’entreprise paiera un loyer au propriétaire.

Ce loyer sera déductible pour l’entreprise locataire. Ce loyer sera imposable pour le propriétaire.

De cette façon, le propriétaire “privé” pourra obtenir des revenus fonciers payés grâce à son activité professionnelle.

Ces bénéfices fonciers s’ajouteront aux autres revenus de son foyer fiscal. Ils seront, alors, simplement taxés à l’Impôt sur le Revenu et à la CSG.

Quels sont les avantages de l’acquisition de son local commercial en nom propre ?

Le principal avantage de l’achat “en son nom” est la simplicité. Le propriétaire calculera, simplement, son bénéfice foncier à partir d’une déclaration spécifique : la déclaration 2044. Puis, il recopiera ce bénéfice sur sa déclaration personnelle d’impôt (la déclaration 2042).

Le second avantage réside dans la possibilité d’opter pour le régime micro-foncier. En effet, si ses bénéfices fonciers sont trop importants par rapport aux loyers encaissés, le propriétaire bailleur pourra opter pour le régime micro-foncier. Dans ce cas, il n’aura même pas à établir de déclaration 2044. Il notera juste les loyers bruts encaissés. Un abattement de 30% sera automatiquement calculé, par le Centre Des Impôts, sur ces loyers. Notez cependant que cette option est réservée aux propriétaires qui n’encaissent pas plus de 15.000€ de loyer annuel.

Quels sont les inconvénients de l’achat d’un local professionnel en son nom ?

Si cette gestion à titre privée peut paraître plus simple, les inconvénients sont nombreux :

  • Les revenus fonciers s’ajoutent immédiatement et totalement aux autres revenus du foyer
  • Les patrimoines professionnels et personnels sont facilement saisissables. Le péril est donc élevé, même si le chef d’entreprise peut limiter ces risques en établissant une déclaration d’insaisissabilité
  • Les frais d’acte notariés ne sont pas déductibles
  • Les amortissements de l’immeuble ne sont pas non plus déductibles
  • Le déficit foncier éventuel est déductible des autres revenus jusqu’à un certain plafond (10.700€ par an pour 2017)
  • La plus-value dégagée lors de la revente est taxable sans autre réduction que l’abattement pour durée de détention

Compte tenu de ces inconvénients, on conseille souvent au propriétaire de choisir un autre statut …

La SCI le bon choix pour acheter son local professionnel ?

Dans quels cas choisir la SCI ?

Je recommande principalement la SCI dans les cas suivants :

  • vous souhaitez séparer vos différents patrimoines (personnel, activité professionnelle, immobilier professionnel),
  • vous voulez profiter d’une très grande souplesse dans la transmission de vos biens (époux, enfants, associés …),
  • vous avez prévu de céder ultérieurement votre activité professionnelle et vous voulez conserver le local commercial pour générer un revenu foncier.

La SCI se recommande aussi, au cas par cas, en fonction des avantages et des inconvénients de chaque régime.

Quels sont les avantages de la SCI ?

Les avantages de constituer une SCI pour acquérir son local commercial sont nombreux. En effet, cette Société Civile Immobilière vous permettra de :

  • bien séparer la propriété immobilière professionnelle du reste de l’actif commercial,
  • suivre clairement la gestion (loyers et charges),
  • conserver le bien et de le relouer, cas de cession du fonds de commerce ou de cessation de l’activité commerciale,
  • transmettre facilement les parts sociales de la SCI à votre conjoint ou à vos héritiers.
  • transmettre ce bien immobilier, sans frais de notaire, à travers la cession ou la donation du nombre de parts souhaité (article 1865 du Code Civil). L’article 62 de la Loi du 06/08/2015 donne même pouvoir aux experts-comptables afin d’établir les actes de cession de parts demandés par leur clientèle habituelle.
  • éviter le statut d’indivision, en cas de décès.
  • minorer légèrement la valeur de votre bien. En effet, la valeur d’un bien en SCI subit une décote de 5 à 20% selon certains experts de l’immobilier. Cela peut représenter un avantage si vous êtes taxable à l’impôt sur la fortune.

Comment sont imposés les revenus locatifs dégagés par une SCI ?

Si vous choisissez la SCI, pour détenir un bien professionnel, le Code Général des Impôts vous laissera le choix entre deux régimes :

  1. Le régime “classique” des revenus fonciers
  2. Le régime de l’impôt sur les sociétés (IS)

Le régime “classique” des revenus fonciers pour la SCI

Dans le régime “classique” des revenus fonciers, le bénéfice dégagé par la location des locaux est calculé comme si le bien était détenu directement par le dirigeant (voir la partie, ci-dessus, sur l’achat en nom propre).

La seule différence vient du fait que les bénéfices fonciers de la SCI seront répartis, au nom des associés, au prorata de leur quote-part du capital social. On parle de « transparence fiscale » des SCI.

De plus, contrairement aux revenus locatifs en direct, les résultats de la SCI sont déclarés sur un imprimé particulier, la déclaration 2072-S qu’il faudra remettre à chaque associé et aux services fiscaux.

Les résultats de la SCI sont calculés, comme les revenus fonciers classiques.

Ainsi, pour calculer ces revenus fonciers, vous devrez ajouter d’un côté :

  • les loyers encaissés

Puis, vous devrez soustraire de ces revenus, les dépenses déductibles. Parmi ces dépenses, vous pourrez principalement déduire :

  • Les frais de gestion
  • Les charges de copropriétés
  • La taxe foncière
  • Les intérêts d’emprunt
  • Les travaux d’amélioration …

Quels sont les inconvénients de la SCI classique (Impôt sur le Revenu) ?

Comme nous l’avons vu, le traitement fiscal de la SCI IR se rapproche de celui de la détention en direct. Du coup, on retrouvera les principaux inconvénients de ce régime d’imposition. On peut donc relever :

  • la non déductibilité des frais d’acquisition du bien (frais de notaire, d’agence…),
  • la non déductibilité des amortissements comptables,
  • la déductibilité de la perte limitée à 10.700 € sur les revenus de l’année. Le surplus du déficit est reportable pendant 10 ans pour le même montant annuel.
  • L’imposition des plus-values est identique à celui des personnes physiques. (taux de base de 19%, abattement de 6% par année au-delà de la 5ème jusqu’à la 21ème, 4% la dernière année). Les prélèvements sociaux de 17,2% à compter de 2018 sont également réduits en fonction de la durée de détention au-delà de la 5ème année. Il faudra attendre 30 ans pour échapper à ces prélèvements sur la plus-value.

Le régime de la SCI soumise à l’Impôt sur les Sociétés

C’est là l’une des particularités de cette structure : la SCI peut être assujettie, sur option, à l’Impôt sur les Sociétés (IS).

Cette option peut se faire à sa création, ou en cours d’existence. Mais attention, ce choix pour l’IS est irrévocable. De plus, il doit se faire dans les 3 mois du début de l’exercice fiscal.

Les avantages de l’option IS pour une SCI, sont les suivants :

  • Les taux de l’IS peuvent être inférieurs au taux marginal de votre Impôt sur le Revenu (IR). Rappelons que les taux de l’IS sont de 28 % pour les bénéfices inférieurs à 500 000 € et 31% au delà de 500 000 € de bénéfices en 2019. Le taux de l’IR peut aller, lui, jusqu’à 45%.
  • La rémunération du gérant et les charges sociales correspondantes sont déductibles.
  • Les amortissements du bien immobilier viennent réduire considérablement le résultat fiscal. Attention cependant, car en cas de vente, ces amortissement augmentent la plus-value.
  • Les bénéfices non distribués par la SCI ne sont pas taxés au nom des associés.
  • En cas de distribution de ces revenus, la taxation s’opère comme pour les dividendes d’actions. Les associés bénéficient de l’abattement de 40% pour le calcul de l’IR.

Par contre le régime de taxation des plus-values est beaucoup moins avantageux dans ce régime.

En effet, outre la prise en compte des amortissements dans la valeur nette comptable, la loi n’accorde aucun abattement pour durée de détention. Les taux de l’IS sont donc appliqués sur la plus-value comme pour un bénéfice courant. Ainsi, l’avantage de la déductibilité des amortissements est repris au moment de la cession.

Acheter un bien immobilier avec son entreprise ?

L’achat par une entreprise de son propre local commercial offre certains avantages qui peuvent faire la différence.

Quels sont les avantages de l’acquisition par l’entreprise de son propre local commercial ?

Parmi les multiples avantages, on peut notamment citer :

  • La simplicité de gestion. Il n’y a pas besoin de créer une structure supplémentaire, ni de calculer un résultat foncier.
  • Le moindre coût de fonctionnement. Il n’y a pas d’honoraires supplémentaires pour la tenue de la comptabilité d’une SCI.
  • La possibilité de décrocher, plus facilement, des prêts professionnels. Le bien immobilier faisant partie de l’actif de l’entreprise. Cette entreprise augmente, automatiquement, sa valeur.
  • Les taux d’imposition à l’Impôt sur les Revenus (IR) peuvent se révéler plus avantageux que ceux de l’impôt sociétés. Tout dépend des revenus du foyer fiscal, du nombre d’enfants à charge…
  • Les amortissements du local professionnel peuvent être déduits du résultat de l’entreprise. En effet en comptabilisant les amortissements en comptabilité (compte 28131), vous allez réduire le résultat comptable imposable. Si vous exercez en entreprise individuelle, vous allez même réduire vos cotisations RSI
  • La totalité des intérêts du crédit immobilier est déductible, sans limitation.
  • En cas de cession, la plus-value pourrait bénéficier des dispositifs d’exonération ou de réduction de la plus-value à long terme, réservés aux entrepreneurs individuels. Ces exonérations sont prévues à l’article 151 septies du CGI pour le montant des recettes, à l’article 238 quindecies pour le prix de cession, ou à l’article 151 septies A pour départ en retraite après 5 ans d’activité.
  • Dans tous les cas, cette plus-value à long terme sera exonérée au bout de 15 ans. En effet, elle bénéficie d’un abattement à raison de 10% par an après la 5ème année (article 151 septies B du CGI).

Par contre, cette détention de l’immeuble professionnel présente quelques inconvénients

En effet, les inconvénients d’une détention, en direct par une entreprise, de son propre local professionnel sont peu nombreux. Cependant, l’importance de ces inconvénients peut dissuader de nombreux dirigeants :

  • En cas de difficultés financières de l’entreprise, l’inscription du bien immobilier à l’actif de cet entreprise rend facilement saisissable ce bien par les créanciers professionnels,
  • En cas de cession, si l’entreprise est à l’IS, la plus-value est imposable au taux “classique” de l’IS.

Vous voyez qu’aucune formule juridique n’est sans défaut. Il y aura toujours une contrepartie en termes de sécurité, d’imposition, de déduction… Seule une étude personnalisée et des conseils d’experts adaptés à votre situation peuvent vous orienter, au mieux.

Enfin, sachez que le domaine de la fiscalité immobilière évolue en permanence. Il est donc très difficile de se projeter, à long terme…

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