La déclaration d’affectation du patrimoine

La déclaration d’affectation du patrimoine est une possibilité juridique pour limiter les risques de saisie du patrimoine personnel du chef d’entreprise. Instaurée en 2011, cette loi peut s’appliquer aux dirigeants qui exercent leur activité professionnelle en Entreprise Individuelle. Cette opportunité est définie dans les Articles L526-6 à L526-21 du Code du Commerce.

La déclaration d’affectation des biens permet de spécifier, aux créanciers, l’étendue du patrimoine professionnel “saisissable”. Elle a pour conséquences de limiter les possibilités de poursuites par les créanciers professionnels sur les seuls biens définis dans cette déclaration.

C’est aussi l’acte juridique qui déclenche la création de l’EIRL (Entreprise Individuelle à Responsabilité Limitée) ou de l’AERL (Auto Entreprise à Responsabilité Limitée).

En effet, cette déclaration d’affectation est possible pour les Entreprises individuelles mais aussi pour les Auto Entreprises.

La déclaration d’affectation du patrimoine : modalités pratiques

Comment se présente cette déclaration d’affectation ?

Un modèle de cette déclaration d’affectation est fourni par la CCI de Paris. Il détaille les différentes modalités et obligations que doivent respecter le chef d’entreprise.

Qui peut établir cette déclaration d’affectation ?

L’auteur de cette déclaration peut être le chef d’entreprise, lui-même, ou un tiers (expert-comptable, notaire, CGA …).

L’obligation de passer par un professionnel dépend des valeurs déclarées, du type de biens indiqués dans l’attestation ou de la situation de l’entreprise.

Si les biens ont une valeur unitaire inférieure à 30.000 € ou sont des liquidités : la déclaration peut être rédigée par le chef d’entreprise.

Si chaque élément affecté a une valeur inférieure à 30.000 € ou s’il s’agit de liquidités (comptes bancaires, actions …), le dirigeant peut, lui-même, établir cette déclaration.

Si les biens déclarés ont une “petite” valeur (c’est à dire moins de 500 €uros), il faudra les regrouper, si c’est possible, avec d’autres biens de même nature.

Si les biens ont une valeur unitaire supérieure à 30.000 € et que l’entreprise est existante : le dirigeant peut utiliser son dernier bilan.

Si la déclaration d’affectation concerne une entreprise qui a déjà clôturé un bilan, ce bilan peut servir d’état descriptif. Dans ce cas, le chef d’entreprise n’a pas besoin de recourir aux services d’un professionnel (Article 128 de la Loi n°2016-1691 du 09/12/2016 dite Sapin 2).

Si l’entreprise ne tient pas de comptabilité commerciale, elle n’est pas tenue d’établir un bilan (par exemple, les professions libérales). Dans ce cas, le dirigeant pourra utiliser la valeur brute figurant dans le registre de ses immobilisations. Il déduira, de ces valeurs brutes, les amortissements passés jusqu’à la date de la déclaration d’affectation.

Si les biens ont une valeur unitaire supérieure à 30.000 € et que l’entreprise se crée : il faut passer par un professionnel.

Si les biens ont une valeur unitaire supérieure à 30.000 euros et que l’entreprise est récente ou en cours de création, vous n’aurez aucun bilan établi. Dans ce cas, vous devrez faire intervenir un tiers “attestant”. Il validera, dans un rapport, la valeur que vous attribuez aux biens professionnels présents dans la déclaration d’affectation.

La loi indique que cet attestant peut être un Expert-comptable, un Commissaire aux comptes, un Centre de Gestion Agréé (pour un commerçant/artisan) ou une Association de Gestion Agrée (pour un professionnel libéral).

Si la déclaration concerne un bien immobilier : il faut utiliser les services d’un notaire.

Si vous voulez mentionner un bien immobilier dans la déclaration d’affectation, dans ce cas, vous n’aurez pas le choix : vous devrez passer par un notaire. Ce notaire fixera la valeur de votre bien immobilier.

Parfois, le bien immobilier est utilisé à titre professionnel et personnel (on parle d’utilisation mixte). Dans cette situation, le notaire précisera la partie professionnelle avec la désignation précise des lots correspondants.

Dans tous les cas, il vous remettra un rapport d’expertise que vous déposerez avec votre déclaration d’affectation.

Quel est le coût de la déclaration d’affectation du patrimoine ?

Le coût de la déclaration d’affectation dépend de votre situation et du recours (ou non) à un professionnel. Le coût global sera donc composé :

  1. du tarif du dépôt,
  2. du tarif du professionnel attestant ou le tarif du notaire.

Le tarif du dépôt

Si vous n’êtes pas déjà immatriculé et que vous souhaitez déposer cette déclaration d’affectation lors de votre immatriculation, le dépôt est gratuit.

Si vous êtes déjà immatriculé et que vous souhaitez “modifier” votre immatriculation en ajoutant cette déclaration d’affectation, alors le coût varie. Le tarif sera de :

  • 56,16 € pour les commerçants et les professions libérales,
  • 42,00 € pour les artisans et les exploitants agricoles,
  • 49,92 € pour les agents commerciaux.

Le tarif du professionnel “attestant”

Selon la difficulté de l’évaluation, les experts professionnels vont proposerons des honoraires plus ou moins élevés. En général, les tarifs sont de l’ordre de 600 € pour une déclaration d’affectation “classique”.

Sachez que les tarifs des professionnels de la comptabilité ou du droit sont libres. Ainsi, pour vous éviter toutes mauvaises surprises, nous vous conseillons de demander une évaluation tarifaire du coût induit par cette prestation avant de faire réaliser ladite déclaration. De plus, vous pouvez aussi négocier ce prix en l’incluant dans la future prise en charge de votre comptabilité …

Le coût de la déclaration d’affectation pour les biens immobiliers

L’Arrêté du 26 Février 2016 fixant les tarifs réglementés des notaires a fixé le tarif de l’acte d’affectation du bien immobilier à 139,93 euros. Ce prix comprend l’acte d’affectation du notaire (115,39 euros) ainsi que les frais d’hypothèque.

Où doit-être déposée cette déclaration d’affectation ?

Une fois remplie, cette déclaration doit être déposée au Centre de Formalités des Entreprises (CFE) afin que les tiers puissent en être informés.

Selon la nature de votre activité, le CFE se trouvera :

  • à la Chambre des Métiers si vous êtes artisan,
  • à la Chambre des Commerces pour les commerçants,
  • à l’URSSAF si vous exercez une profession libérale,
  • au Greffe du Tribunal de Commerce pour les agents commerciaux.

Quand doit-être déposée cette déclaration ?

Généralement cette déclaration est déposée lors de la demande d’inscription en qualité de créateur d’entreprise. Cependant, la loi permet de la déposer après la création de votre entreprise.

Toutefois, ATTENTION, aux déclarations tardives. En effet, certains créanciers pourraient se sentir lésés. Ils pourraient, ainsi, tenter de faire annuler les déclarations d’affectation qu’ils estimeraient “frauduleuses”.

Tel pourrait être le cas d’une déclaration d’affectation qui interviendrait, par exemple, dans les six mois d’un dépôt de bilan …

L’efficacité de la déclaration d’affectation en cas de dettes :

L’objectif d’une la déclaration d’affectation est de limiter les poursuites des créanciers professionnels sur les seuls biens professionnels. Pourtant, l’efficacité d’une telle déclaration doit être appréciée en fonction de la temporalité des différentes dettes. En effet, il convient de distinguer si :

  1. les dettes sont antérieures à la déclaration d’affectation,
  2. les dettes sont postérieures à cette déclaration,
  3. les dettes bénéficient de garanties particulières.

La déclaration et les dettes postérieures

Dans le cas classique de dettes nées après la formalité de création de l’EIRL ou de l’AERL, les créanciers issus de cette activité professionnelle ne peuvent plus poursuivre sur les biens personnels du dirigeant. Ces créanciers ne peuvent saisir que les éléments professionnels affectés.

Cependant l’application de cette affectation reste conditionnée au respect des autres règles de l’EIRL ou de l’AERL. Ces autres règles sont les suivantes :

  • la mention EIRL ou AERL doit être présente sur tous les documents officiels de l’entreprise (facture, devis …),
  • l’entreprise doit utiliser un compte bancaire dédié à l’activité professionnelle,
  • elle doit déposer ses comptes ou l’état du patrimoine affecté au Registre Spécial des Entrepreneurs Individuels à Responsabilité Limitée (RSEIRL). Cette obligation s’applique même pour une Auto Entreprise à Responsabilité Limitée (Article R526-15 du Code du Commerce)
  • l’entreprise doit mettre à jour la déclaration d’affectation en cas de modifications importantes de l’actif.

La déclaration et les dettes antérieures

Depuis la Loi Sapin 2 (Loi du 09/12/2016), la déclaration d’affectation ne peut plus s’appliquer aux dettes antérieures.

La déclaration avec des dettes garanties

Le point des dettes garanties me semble incontournable lorsque l’on parle de la protection du chef d’entreprise et de ses biens.

En effet, devant cette possibilité de réduire le champ des poursuites sur les biens personnels des dirigeants, les créanciers vont forcément réagir. Ainsi, dans le cadre pratique, inutile de vous dire que votre banquier vous demandera une caution personnelle si vous contractez un prêt professionnel avec une EIRL.

De la même façon, dans la majorité des procédures de “faillite”, les dettes les plus importantes concernent la TVA ou les autres impôts. Or dans cette hypothèse, vous devez aussi savoir que si la garantie professionnelle amenée par la déclaration d’affectation est insuffisante, vos biens privés resteraient toujours saisissables par l’administration dans certaines circonstances !

Pour quelle raison ?

Tout simplement parce que, pour le fisc, il y a toujours le principe de responsabilité solidaire et illimitée du chef d’entreprise individuelle.

Ce principe permet, à l’administration fiscale, de poursuivre le dirigeant sur ses biens personnels en cas de fautes de gestion, de non-respect de ses obligations fiscales … Dans ce contexte, la déclaration d’affectation du patrimoine s’avèrerait inefficace.

Autrement dit, si la déclaration d’affectation est une protection utile, elle n’est pas la protection absolue.

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