Comment rembourser un prêt familial pour créer son entreprise

D’un point de vue théorique, un prêt personnel peut, tout à fait, servir à financer un projet professionnel. Cependant le traitement comptable sera légèrement différent selon qu’il s’agisse d’une entreprise individuelle ou d’une société.

Remboursement d’un prêt personnel accordé à une entreprise individuelle

Dans le cadre d’une entreprise individuelle, les prêts familiaux accordés pour “monter sa boite” sont très fréquents. La plupart du temps, ils ne font, d’ailleurs, même pas l’objet d’une déclaration officielle (ce que je ne saurais conseiller) contrairement aux prêts interentreprises.

Souvent, on  ne retrouve même pas de trace de ces “emprunts” au niveau de la comptabilité et ces prêts apparaissent au niveau des comptes bancaires comme des apports de l’exploitant lui-même. Dans ce cas, ils sont simplement notés au crédit du compte 108000 (le compte de l’exploitant).

La plupart du temps, ils seront simplement remboursés, sans intérêts et au fur et à mesure du temps, en fonction de la trésorerie de l’entreprise. Il sont alors saisis au crédit de ce même compte de l’exploitant (108000).

Si il y a un tel “laxisme” de traitement c’est que les prélèvements de l’exploitant ne déclenchent aucune imposition dans une entreprise individuelle. En effet, n’oublions pas qu’une entreprise individuelle est toujours imposée sur les bénéfices générés (jamais sur les prélèvements de son dirigeant). Cette absence d’incidence fiscale peut expliquer la relative “négligences” au niveau du traitement comptable des prêts personnels dans une entreprise individuelle.

Remboursement d’un prêt personnel accordé à une société :

Dans ce cas (qui est le votre), la situation nécessite bien plus de formalisme et de rigueur.

En effet, d’un point de vue juridique et fiscal, votre société et vous-même êtes deux personnes différentes. Cette différence (souvent difficile à percevoir quand on est hyper majoritaire voire associé unique) vous oblige à considérer le patrimoine et les dettes de votre société comme étant différents de votre patrimoine et de vos dettes personnelles.

Du coup, l’absence de formalisme anormalement “tolérée” en entreprise individuelle ne saurait s’appliquer à une société (SARL, EURL, SAS, SASU …). Vous allez donc devoir établir des documents et une comptabilité pour indiquer et suivre ces mouvements d’argent.

Cependant le traitement sera totalement différent selon le moment et l’objet de ce prêt.

Votre prêt est intervenu postérieurement à la création de la société :

La société était déjà créée et vous avez bénéficié d’un prêt personnel pour la développer. Dans ce cas, là encore deux possibilités peuvent se présenter :

Le prêteur est associé dans la société :

Si le prêt a été accordé par un associé à sa société, cette somme sera interprétée, la plupart du temps, comme un apport en compte courant. Le fonctionnement de ces apports est généralement défini dans une convention que l’on appelle : convention de compte courant.

Le remboursement de ce compte courant s’effectue selon les modalités définies dans cette convention (délai, durée …) et les intérêts ne sont pas déductibles sans limite.

Quelles sont les limites de déductibilité des intérêts de compte courant ?

La loi permet de déduire, fiscalement, les intérêts qui respectent le taux maximum publié chaque mois au journal officiel. Pour simplifier les calculs, il est publié un taux moyen trimestriel et un taux annuel, fixé d’après le taux des banques pour les prêts à taux variables de plus de 2 ans.

A titre d’information, voici les taux publiés pour 2017 :

  • 1,82% au 1er trimestre ;
  • 1,67% au 2ème trimestre ;
  • 1,59% au 3ème trimestre.

Si la société dépasse les plafonds (c’est à dire si elle verse des intérêts supérieurs aux taux précédemment indiqués), le surplus sera réintégré dans ses bénéfices imposables.

Comment seront imposés ces intérêts des comptes courants chez l’associé ?

Ces intérêts seront considérés comme des revenus de capitaux mobiliers (RCM). Ils seront imposés de la façon suivante :

  • s’ils sont inférieurs à 2.000 €, une taxe forfaitaire de 24% sera appliquée.
  • s’ils sont supérieurs à 2.000 €, le prélèvement de 24% doit être effectué par la société mais il ne constituera qu’un acompte sur l’impôt sur le revenu futur su contribuable “prêteur”.

Le prêteur n’est pas associé dans la société :

Dans ce cas, il s’agira d’un prêt “classique” à une société qui devra être encadré par un formalisme précis. Cette nouvelle vague de “prêt personnel à des sociétés” s’est développée récemment grâce aux différentes plateforme de crowdfunding. Néanmoins, il faudra rester vigilent afin de ne pas sombrer vers une activité récurrent et classique qui pourrait être assimilée à une activité professionnelle concurrente à celle des banques …

Votre prêt est intervenu antérieurement à la création de la société pour la constitution du capital :

Dans ce cas, qui semble être le vôtre, ce “prêt” a servi a constituer le capital de votre société (en moitié en nature et en moitié en numéraire).

Là encore deux possibilités peuvent se présenter :

Les apporteurs et les apports ont été mentionnés au niveau des statuts :

Dans ce cas, ces prêteurs sont, en fait, des associés et leurs prêts sont, en réalité, des apports en capital.

Or, le capital d’une société ne sera que très rarement remboursé aux associés. Ces remboursements sont connus sous le terme de “réduction de capital”.

En effet, si telle est la volonté des associés et si la trésorerie de la société le permet, il existe une possibilité de rembourser une partie du capital aux associés en respectant certaines conditions énoncées par la loi (car le capital constitue une garantie de solvabilité des créanciers) :

  • respecter le capital minimum (1€ pour les SARL, 37.000 € pour les sociétés anonymes …)
  • remplir toutes les autres conditions prévues (formalisme juridique, délai, publicité …)

Cette formalité nécessite l’intervention d’un avocat et/ou de votre expert-comptable et génèrera un coût lié aux différentes formalités et taxation :

  • honoraires d’accompagnement et de rédaction des modifications statutaires,
  • frais d’enregistrement,
  • frais de modification au Centre de Formalités des Entreprises,
  • frais de publication dans un journal d’annonces légales …

Les apporteurs et les apports n’ont pas été mentionnés dans les statuts :

Dans ce cas, on ne peut pas considérer que les apporteurs sont des associés. De plus et s’agissant de fonds incorporés au capital, on ne pourra pas, non plus, considérer qu’il s’agit d’apports en comptes courants remboursables.

Il n’y aura pas d’autres possibilités que de considérer qu’il s’agit de prêts personnels accordés au dirigeant et qui auront servis, ultérieurement, à la création de la société.

Dans ce cas, les retraits de remboursement ne pourront être assimilés qu’à des rémunérations du dirigeant imposables et assujettis à cotisations.

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